Le Zap

Le Zap

Je zappe tout l’ temps. Une chaîne, une autre et puis encore une autre.

Je zappe à la Télé, je zappe les images, les mots, les gens.

Je zappe les films, les émissions, les reportages.

Je zappe les infos, les documentaires, les jeux.

Je zappe l’écran, je zappe tout l’temps.

Je zappe les sourires, les rencontres, les regards et les mots bienveillants.

Je suis un zappeur.

Avec ma télécommande, avec mon portable, avec mon ordinateur.

Je zappe. Je zappe tout le temps.

Je zappe. Je scrolle. Je swipe.

 Je passe à autre chose. Je suis l’expert en zappage.

Les autres ne sont plus qu’un écran eux aussi.

Je zappe leurs désirs, leurs mains mendiantes, leurs soupirs, leurs attentes.

Je zappe leurs besoins, leurs rêves, leurs questions.

Je suis bien trop occupée. Je dois zapper.

À un concert, je zappe mon voisin avec mon numérique toujours à portée de main.

Dans le bus, je continue de scroller à la vitesse du zap.

Mon royaume est superficiel. Le roi est un zappeur. La reine une zappeuse. Les enfants sont abandonnés. Ou plutôt non bien sûr, que je suis sotte, ils sont confiés aux Grands Zappeurs qui leur apprennent trop tôt à tout zapper.

Le monde est devenu un grand Zap sans cœur.

C’est un zappeur d’images, un sécateur de beau, un fractionneur des autres.

La vie n’est plus qu’un couloir qui défile à la vitesse du zap.

On ne prend plus son temps. On n’a plus l' temps d’avoir le temps.

Le zap l’a tout mangé.

J’ai rêvé.

J’ai rêvé que je prenais le temps d’observer la feuille qui se balance au bout d’une branche.

J’ai rêvé qu’on regardait tous les yeux des enfants lorsqu’ils s’émerveillent devant un papillon.

Le zapping nous dévore.

À son tour, il nous scrolle. Il nous zappe. On n’est plus rien.

Mon cœur est courbaturé par trop de zap autour de moi.

Je n’ai plus trouvé que des morceaux, des fragments, des petits bouts de l’autre.

Des petits bouts du monde.

Il n’est plus là. Il est tout découpé.

Je l’ai cherché et ne l’ai plus trouvé.

DPP 10228-52048