La violoniste

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La violoniste

 

DPP-10202-52015

Je regardais sur mon écran la jeune fille au violon de lumière.

Elle jouait comme on caresse le visage de son nouveau-né. Douée d’une dextérité peu commune que chacun avait pu décelée dès son plus jeune âge, la violoniste âgée de 15 ans à peine n’avait jamais cessé de surprendre ceux qui l’écoutaient. Il y avait dans sa musique une tendresse incomparable.

Quand elle tenait son violon au creux de son épaule, elle fermait les yeux. Emportée par la mélodie d’un grand compositeur, son archer se transformait, la métamorphose alors s’opérait.

On aurait dit un vol de papillons fugaces aux multiples couleurs qui s’élevaient dans le ciel. Je les voyais s’envoler avec la même grâce que les arabesques des danseuses sur la scène de tous les opéras du monde.

Cette musicienne était transportée loin d’ici. En vérité, elle voyageait. Là-bas, ailleurs, dans cette contrée à laquelle nous aspirons tous, cette terre vierge de toute guerre, sans arme ni combat. Ce lieu hors du temps indemne de toutes blessures.

Elle jouait du violon comme on serre dans ses bras le joyau d’un trésor oublié. Celui qu’on trouve puis qu’on ne lâchera plus jamais. Comment pourrait-on laisser partir ce qui nous guérit sans nous faire mal ? Ce qui nous apaise sans nous trahir ? De son archer, les papillons s’amusaient, ils virevoltaient avec joie, ils riaient, oui, de ces rires qui nous arrachent à nous-mêmes, loin des chagrins, des mots, des cris. Les mots, parlons-en des mots, son violon était une lettre silencieuse postée à l’immensité des cieux. Une missive remplie de soupirs et d’espoir.

Par moments, la jeune artiste se balançait sur ses deux pieds, elle avait du mal à rester en place. C’est si dur de rester collé à la terre quand l’âme vous envole au-delà d’ici, tout là-haut, dans la clarté lumineuse de la Beauté pure, celle-là même qui nous ouvre à la Transcendance, à la majesté d’une Vie remplie d’amour.

Ce violon, son enfant, sa lettre, qu’importe, par instants, j’entendais ses larmes de componction. Ce n’était pas tristesse ou joie mais les sanglots accablés d’un profond désespoir mêlés à une allégresse souveraine. Une intensité. Rien de comparable à ce que nous connaissons d’ordinaire. Quelque chose comme la pesanteur de la grâce. Une parenthèse oxygénée dans l’air vicié de notre pauvre monde.

Elle jouait du violon, balancée par le rythme de ses vagues intérieures. Je fermais les yeux à mon tour, j’oubliais sa jeunesse, son assurance, sa juvénile présence. Soudain, je me retrouvais malgré moi avec elle dans un ailleurs méconnu. Nous étions mues par une main puissante, comme des marionnettes, nous allions de droite puis de gauche, petits soufis à tourner sans savoir ni pourquoi ni comment. Que c’est bon de lâcher prise ! Plus de raisonnements, plus de réflexions, plus de questionnements, rien que la danse de deux âmes dans la ouate d’un univers magnifique.

Je rouvrais mes yeux. Le violon fatigué n’était plus là, tenu par la main droite, il était redescendu, essoufflé de son escapade extatique. L’archer encore tout décoiffé avait de la peine à revenir à l’ici et maintenant. Quant à moi, je regrettais déjà la fin de notre envolée.

Elle jouait du violon et nul ne saurait dire pourquoi nous n’écoutons pas davantage les harmonies délicieuses venues d’en haut. Encore tout envahie de son talent hypnotique, je retournais à mes occupations. Rien que pour quelques minutes, le ciel s’était ouvert. Je respirais plus large.

 

Comme elle maintenant, tout sourire,

applaudie par les anges.

 

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