Ton Grand Moment

Un beau ciel bleu avec des nuages blanc et le soleil qui éclaire par derrière les nuages

Ton Grand Moment

Ma chère amie,

 

Ce soir au téléphone, tu m’as dit que tu avais froid. C’est vrai, l’hiver est une saison rude. C’est si vrai, le printemps nous manque. Tu m’as dit : « J’ai l’impression que peut-être le grand moment arrive ». Le Grand moment de ton « Encièlement » dans l’au-delà à  97 ans.

 

Ce soir je t’ai entendu : « Ce sera extraordinaire, je vais bientôt voir mon Seigneur. Enfin ! ».  Oh cette hâte à vouloir partir alors que mon cœur se brise. Cet instant dont tu dis qu’il sera le plus beau jour de ta vie, pressée de retrouver les tiens.

 

Ce soir,  dans ta voix éraillée de fatigue, un peu tremblante, j’ai perçu ton émoi par-delà l’espace de notre distance géographique. « C’est pas moi qui décide bien sûr mais j’ai si froid, il faudrait que je prenne ma bouillotte ».

 

J’ai entrevu dans tes mots balbutiés le chant des anges qui s’approchent. Mes oreilles aguerries reconnaissent l’hymne des grands départs ; la vie est une arracheuse d’amour, elle plante ses bourgeons dans l’autre monde.

 

Ce soir je m’en vais dans le noir de la nuit qui s’allonge, tout comme les morts. Les lumières sont éteintes, les paupières sont closes ; la vie est une voleuse d’amour, elle cache ses beautés dans un ailleurs secret.

Les chatons joueront demain encore à chasser les souris, les oiseaux voleront toujours au-dessus de nous, les enfants courront à la sortie de l’école, les passants passeront sans se douter ; la vie est une tricheuse, elle se joue toujours de nos adieux sans retour.

 

Ce soir mais encore dès demain, je sais déjà ce qui m’attend. L’horodateur du temps n’a pas perdu sa mémoire, il continue de tourner les aiguilles des heures ; la vie est une kidnappeuse à s’enfuir avec tous nos amours.

 

Tu sais, c’est étrange, au moment de te perdre, je perds un peu tout en même temps, toi bien sûr mais pas seulement. C’est le temps de l’épreuve où tout s’en va loin de moi, la vie est une cambrioleuse qui nous quitte avec tous nos trésors.

 

C’est ton moment, le mien aussi, celui où je n’aurai bientôt plus rien, non, plus rien à qui tenir, c’est la minute solennelle où sur le toboggan je glisse vers le fond. La vie est une enfant facétieuse à nous guider vers le bas.

 

Ce soir, mon amie, dans l’obscurité silencieuse où mon chagrin se noie, j’ai l’ouïe fine, les chuchotements du ciel psalmodient dans mon âme. La vie est une hirondelle perdue dans les saisons, sa terreur me blesse et j’ai le cœur brisé.

 

Tu sais, ce soir mais encore dès demain, le jour se lèvera sur les voitures du boulevard, les arbres encore plieront sous les ordres du vent, les gens passeront anonymes dans les rues bruyantes, tout sera comme avant. La vie est vivante à t’emporter bien avant moi. Je suis là comme un arbre, comme un poteau, comme un poids. La vie pèse une tonne dès que tu n’es plus là.

 

Mon Dieu, la vie, est une fugueuse toujours prête au grand voyage tandis que je suis là, figée dans le froid de ton absence.

 

Dès ce soir mais demain c’est certain, j’aurai encore le cœur brisé. Les petits chiens cavaleront dans les jardins, les buissons frémiront dans le matin brumeux, les bébés dormiront dans les poussettes, sous les yeux des mamans pressées, mais toi, mais moi, nous ne serons plus jamais l’une près de l’autre.

Mais la vie est guérisseuse qui toujours nous répare, et dès ce soir et dès demain, même éternellement, nous nous retrouverons dans l’Amour.

 

Ce soir tu as raison, il approche le grand jour, « ton grand moment », ta rencontre avec l’Amour.

 

LA Rencontre d’Amour.

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