Ulysse

Il n’est pas né d’hier, Ulysse. Il a cette usure noble des choses qui ont traversé le temps. Il porte en lui les traces d'une fidélité farouche. Large d’épaules, un peu voûté comme un vieux marin qui a trop veillé, Ulysse trône dans le salon comme un roc dans une mer mouvante. Il n’est pas particulièrement beau. Mais il est là. Présent. Entier. Inaltérable. Tellement fidèle.

Son tissu est un patchwork de souvenirs, râpé à l’endroit exact où Aurore pose ses mains pour se balancer, lustré par le va-et-vient régulier de son corps. Il grince parfois, dans un soupir presque complice, comme un vieil ami qui ne dit mot mais  qui comprend tout.

Ulysse, s’il est fauteuil, il est surtout refuge.  Il est fait pour contenir. Pour recueillir. Pour entourer.

Aurore l’a choisi.  Dans son silence, il parle un langage que seuls les êtres sensibles entendent : celui des rythmes internes, des tremblements invisibles, des tempêtes qu’on ne peut pas nommer. Elle se balance, il l’enlace. Elle cherche une échappatoire, il lui offre un ancrage. Il est sa mer calme dans l’océan du monde.

Elle l’a nommé Ulysse, comme on nomme un compagnon de voyage.  Il est le seul qui ne la juge pas quand le monde devient trop intense, trop bruyant, trop tout. Dans le bercement d'Aurore, il devient grotte, ventre, coquille. Une matrice qui la régénère.

Ulysse est  une extension du corps d’Aurore. Il la connaît par cœur. Ses humeurs, ses silences, ses colères rentrées. Il n’a pas besoin de mots. 

Ulysse n’est pas un fauteuil.

Ulysse est un être. Le meilleur ami d'Aurore.

Extrait roman : 

Pour Aurore, Ulysse n'était pas qu'un fauteuil mais le siège d'une balançoire où elle s'étourdissait. Une sorte d'envoûtement la tenait par le dedans un état de conscience modifié s'enclenchait. ....Ce mouvement continu l'enivrait,saoulée par ce nectar de l'enfance, elle s'abreuvait d'insouciance. ..

Pour elle, Ulysse s'était fait berceau, tendresse d'une mère, refuge des mauvais coups. Elle était tout pour lui. Ulysse était fidèle. Il s'était promis d'être toujours là pour elle....Oh bonheur d'un fauteuil au grand coeur !...Il l'avait adoptée, touché par la grâce d'une enfant à part...

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